Ce qu’il s’est passé :
Deux rues après le parking du boulot, je me retrouve derrière une voiture. Et je vois le passager jeter une bouteille en plastique par la fenêtre. Je mets deux petits coups de klaxon et la main du passager ressort pour me faire un coucou, comme si de rien n’était.
Cent mètres plus loin, je les rattrape à l’entrée d’un rond-point. Je tente de voir la tête du passager dans le rétro sans succès. La voiture sort du rond-point pour entrer sur la 2x2 voies, comme moi. Et se met à rouler un peu plus lentement que ma vitesse habituelle. Je me mets à gauche et je le double. Au passage, je lève la main droite et je lui montre mon majeur. Puis je reprends ma route, sur la voie de gauche, pensant l’épisode terminé
Dix secondes plus tard, je jette un œil dans mon propre rétro, comme je le fais régulièrement pour vérifier ce qu’il se passe. Réflexe de conducteur, rien de surprenant. Ce qui est surprenant, voire effrayant, c’est que tout ce que je vois dans mon rétro, c’est le capot de la voiture en question. Tellement proche de moi que je ne vois rien d’autre. Un simple coup de frein, ou même un ralentissement, et j’y passe.
Je ne suis pas rassuré
Juste après, profitant d’un peu de place sur la voie de droite, le mec se met à ma droite et à ma vitesse, puis me colle. Je me retrouve coincé entre la voiture et les murs de béton qui servent de terre-plein central. Le mec sort son bras gauche et fait de grands signes violents, le bras replié. S’il avait tendu le bras, il aurait pu attraper le guidon, toucher le rétro, pousser la moto. Nous roulons à une vitesse normale pour une 2x2 voies. Si je dévie, j’y passe. S’il dévie, j’y passe aussi. Ça dure près de 300m. C’est à la fois court et long.
Je me sens très mal.
Après quelques secondes à gesticuler, le mec finit de me doubler, se met devant moi sur la voie de gauche, ralentit (me forçant à ralentir aussi) et continue à me faire de grands signes. Je les interprète comme des « viens te battre, tu vas voir ». Je continue de ralentir et je m’insère dans la voie de droite, entre deux voitures. Ça dure près de 500m. C’est à la fois court et long. Heureusement qu’il y a des témoins.
Le mec fait de même un peu plus loin. Il attend clairement que je ré-accélère. Ce que je ne fais pas. Je reste entre d’autres voitures. Et je le surveille. J’attends de voir où il va, où il sort. Pour aller ailleurs. Loin ailleurs. Ça dure près d’un kilomètre.
Trois kilomètres après le moment où je l’ai doublé, je vois la voiture prendre une bretelle et partir vers le nord de l’agglomération. Ce qui tombe très bien, je vais au sud. Je continue ma route. Je me faufile dans les ralentissements et rares embouteillages. Je prends des petites routes. Et je souhaite ne jamais jamais jamais recroiser la route de cette personne. La plaque d’immatriculation indiquait un département de la région parisienne. Je pense être tranquille.
Sur le coup, je n’ai pensé qu’à prendre de la distance, réduire le danger, calmer le jeu. Mais quelques instants plus tard, je me suis dit que j’aurais pu, si j’avais voulu, freiner légèrement quand il me collait derrière, ou à peine tourner le guidon. Provoquer l’accident. Me suicider. Et pour la grande majorité des témoins (et il y en avait), tout aurait été de sa faute. Ce serait passé pour un meurtre. Je n’y ai pensé que plus tard. Mais j’y ai pensé. Je ne sais pas si c’est un bon signe. Entre le moment décrit plus haut et le moment où j'écris ce texte, j'ai eu d'autres occupations et deux nuits de repos. Les deux ont aidé. Mais c'est quand même pas la grande forme.
Aujourd’hui, j’ai repris la moto pour aller en ville. Et contrairement à d’habitude, je n’étais pas à l’aise.
Je n’ai raconté ça à aucun de mes proches. Si vous avez lu ce texte et que vous connaissez mes proches, je vous serai reconnaissant de ne rien leur dire.